Histoire(s) de la Dernière Guerre

Il y a 70 ans

Le 13 Novembre 1954

Au sommaire du n°18

LES ARMES CHIMIQUES ET BIOLOGIQUES
DURANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE,
NAISSANCE DE LA DISSUASION
OPÉRATION « ANTHROPOID »
L’ASSASSINAT DE REINHARD HEYDRICH
STOPPER YAMAMOTO !
LES BATAILLES DE LA MER DE CORAIL
ET DE MIDWAY
DOSSIER : LA VICTOIRE DE ROMMEL ?
...

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Revue de presse

A lire dans la Croix

La CroixLa Seconde Guerre mondiale au jour le jour voilà un créneau original proposé par une nouvelle revue d'histoire....

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PATRICK DESBOIS RACONTE

Entretien avec François Delpla dans Histoire(s) de la Dernière Guerre n°4

Ses recherches ont fait en 2009 l’objet de critiques virulentes et discutables, assez vite retombées, dont la confession et le sacerdoce du chercheur furent probablement des ressorts non négligeables. Par ailleurs, les milieux négationnistes ne cachent pas leur nervosité devant cette accumulation de traces matérielles d’un génocide pensé d’en haut, eux qui professent que les Juifs furent des victimes de guerre comparables à toutes les autres, et que les preuves d’une volonté délibérée d’éradication de ce peuple ne se trouvent que dans des textes, qu’il s’ingénient à mettre en doute.
Notre magazine est fier d’être reçu par un pionnier que rien n’arrête.


Histoire(s) de la Dernière Guerre (HDG) :
Avez-vous, en tant que catholique, eu du mal à vous dégager d’un antijudaïsme fondé, sinon sur l’idée monstrueuse que les Juifs dans leur ensemble étaient « meurtriers du Christ », du moins sur la stupeur de constater que ce peuple ne s’était pas converti dans son ensemble au christianisme, apparu en son sein ?

Desbois Patrick (DP) : Je n’ai jamais été touché par ces questions ! Ni mon enfance ni ma jeunesse n’ont été structurées par l’Église. On me demandait quelle était ma paroisse, je répondais en nommant mon quartier. J’ai découvert ce dont vous me parlez par l’étude… en Israël.

HDG : Pas même au séminaire ?

DP : Non.

HDG : Cette éclipse d’une idéologie traditionnelle était sans doute un effet du concile Vatican II ?

DP : Oui, certainement ! Une partie de la famille était catholique, mais il s’agissait d’un milieu populaire, démocrate, riche en résistants et en déportés. Ma mère, commerçante, nous enseignait à servir chaque client à son tour et de la même façon, nous aurions eu ses baffes si nous avions mieux traité les riches. J’ai reçu une éducation hostile à la guerre – celle d’Algérie en particulier. 13 ans en 1968 et très vite des activités militantes, par exemple contre le Mondial de football en Argentine… Je n’ai jamais entendu un prêche contre les Juifs. Israël intéressait, beaucoup de jeunes que je fréquentais partaient s’initier à la vie collective en kibboutz sans avoir d’attaches juives. Je n’ai strictement aucun souvenir de la messe en latin ! Dans mon coin de Saône-et-Loire, beaucoup de prêtres étaient très à gauche, proches des ouvriers. On chantait Jean Ferrat, Nuit et Brouillard… Et nous eûmes la télévision très tard. Je suis aussi un produit de l’enseignement public… et même un fonctionnaire. Comme étudiant, j’ai obtenu l’IPES, en maths, et j’ai enseigné dans un lycée avant d’entrer au séminaire à 25 ans. Et ce séminaire, ce fut celui du Prado, pépinière de prêtres-ouvriers.

HDG : Comment avez-vous pris conscience du génocide perpétré par les nazis et de son ampleur ?

DP : Essentiellement à Yad Vashem. J’y suis allé six ou sept étés de suite. J’ai alors connu Richard Prasquier, président de Yad Vashem France4, qui organisait les voyages : des sessions intensives d’une dizaine de jours, pendant mes congés de curé de paroisse, à titre de formation personnelle. Des cours faits par des sommités : Yehuda Bauer5, André Neher6… Nous analysions des textes, des photos sur la Shoah… et revenions avec un programme de lecture pour l’année. J’ai rencontré des survivants comme Schlomo Venezia, du Sonderkommando, ou Jacques Stroumsa, le violoniste d’Auschwitz, je l’ai invité à Lyon et c’est chez moi qu’il a écrit son livre. Je me suis lié aussi à des stagiaires comme Marcello Pezzetti9, qui m’a fait visiter Auschwitz.

HDG : Pouvez-vous nous raconter le début de vos recherches sur le terrain ?

DP : Mon grand-père avait été interné au camp de Rawa-Ruska et je m’y suis rendu en 2001 dans le cadre d’un voyage vers divers lieux de déportation. J’y suis retourné l’année suivante avec un ancien interné, nommé René Chevalier et neveu du célèbre chanteur. En arrivant à l’aéroport de Lvov, il me dit qu’il y a travaillé à reboucher les trous causés par les bombardements, en compagnie d’un commando juif qui comptait chaque jour plusieurs morts… qu’on enterrait dans les trous. Voilà qui me sensibilise à l’idée que le paysage comporte des tombes juives inconnues. Leur recherche est l’objectif de mon troisième voyage, en 2003. Or je tombe d’abord sur un cimetière allemand, où une fondation privée fait enterrer aujourd’hui, individuellement et sous leur nom, les restes identifi ables des soldats du IIIe Reich qu’on continue de retrouver. Et les Juifs resteraient dans des charniers inconnus, jetés comme des animaux ? Enfi n, un maire-adjoint de Rawa- Ruska se décide à m’aider. Il m’emmène dans un village où il a rassemblé quelques vieilles personnes et celles-ci nous guident vers une clairière. Ma traductrice lit une pièce d’archives soviétiques sur le massacre qui a eu lieu ici. Et le maire-adjoint ordonne à chacun de raconter ses souvenirs. Au lendemain de cette scène, il me dit : « Ce que j’ai fait ici pour un village, je peux le faire pour cent ». Je dis : « D’accord, allons-y ! » Je constitue alors rapidement une équipe d’une dizaine de personnes. L’interprète Svetlana Biruylova, si précieuse pour les premiers contacts dans les villages ou les maisons. Micha, l’expert en balistique qui trouve les fosses et inventorie les douilles. Guillaume Ribot, jusque là photographe des camps, qui ne pensait pas avoir un jour dans son objectif des témoins vivants. Le jeune historien d’origine ukrainienne Andrej Umanski, rencontré au musée d’Izieu. Et Patrice Bensimon, autre historien, précieux par ses connaissances linguistiques et archivistiques. Et les chauffeurs, les scripts… Croyants ou non.

HDG : Qu’est-ce que Yahad-In unum ?

DP : Une association créée en janvier 2004 par le cardinal Jean-Marie Lustiger, archevêque de Paris, et le rabbin Israël Singer (qui présidait le Congrès juif mondial), entre autres. « Yahad » signifie « ensemble » en hébreu, et « In unum » a le même sens en latin. Sa finalité principale est la localisation des fosses des victimes juives des Einsatzgruppen et l’enregistrement vidéo des récits des témoins. Yahad-In Unum entretient un partenariat académique avec l’université Sorbonne-Paris IV, le Mémorial de la Shoah, le United States Holocaust Memorial Museum de Washington. J’en suis le président, et Richard Prasquier le vice-président. Depuis le 15 octobre 2009, nos archives sont ouvertes au public, sur rendez-vous.

HDG : Quelles ont été vos relations avec les historiens ?

DP : Je suis en liaison permanente avec ceux du Holocaust Museum de Washington, notamment Martin Dean. Cette institution fédérale recrute des chercheurs sans souci d’appartenance confessionnelle ou idéologique. Ils ont été très surpris que nous arrivions à obtenir de telles confi dences. Ils nous ont aussi été très reconnaissants ! Car ils avaient acquis les archives de la Commission extraordinaire soviétique14, ainsi que les actes de certains procès contre des policiers ukrainiens ou biélorusses, et on leur reprochait de s’être faits avoir car ce n’était que de la propagande. Or les recoupements avec nos interviews ont permis de mesurer la grande valeur de ces documents. À travers mille biais (mais il y en a dans toutes les archives), ils permettent d’appréhender ce qui s’est passé. Nous traduisons les archives avant chaque voyage, et nous en lisons des passages à nos témoins en fin d’interview. Dans les trois quarts des cas, quelqu’un connaît les personnes qui ont témoigné à l’époque !

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